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Depuis quand les femmes portent-elles des pantalons en France ?

L'historien de la mode, Denis Bruna, explique pourquoi ce n’est que très tardivement que les femmes ont pu porter le pantalon ; l’occasion de rappeler, qu’historiquement, le pantalon a longtemps été considéré comme un habit exclusivement masculin avant de devenir unisexe.

Mode : depuis quand les femmes portent-elles des pantalons en France ?

Mode : depuis quand les femmes portent-elles des pantalons en France ? © Getty / Found Image Holdings Inc / Contributeur

Dans l’émission Les P’tits bateaux de Noëlle Bréham, l'historien, Denis Bruna, spécialiste des modes et des représentations du corps, explique depuis quand les femmes portent le pantalon, depuis quand les femmes portent la culotte (oui, la fameuse expression y trouve ses origines !). L’occasion de revenir sur l’histoire d’un vêtement qui a marqué l'évolution des représentations du corps et de la mode.

Quand le pantalon était exclusivement masculin 

L'image que l'on se fait de la mode vestimentaire dans l'Histoire est souvent celle qui a été portée, pour ne pas dire prescrite par les classes les plus riches, même si les modes pénétrèrent aussi jusqu'aux rangs les plus modestes. 

Mais surtout, au-delà des conflits de classes qu'elle pouvait susciter, la représentation de la mode a surtout été dominée par l'image que voulaient bien lui donner les hommes. 

Ces derniers étaient les seuls "à porter la culotte" jusqu'aux années soixante.  

C'est avec la Révolution de 1789 que le pantalon prend la forme telle qu'on la connaît aujourd'hui, mais toujours sous emprise masculine… Du "haut-de-chausses", on passe alors au "pantalon", porté par les révolutionnaires, sans-culottes, comme pour symboliser la rupture avec la classe aristocratique déchue qui, elle, continuait à porter la culotte. 

C'est l’universalisation masculine du pantalon mais qui ne s'étend pas aux femmes. 

Le décret du 29 octobre 1793 (sous la Révolution !) impose le respect de la différence des sexes.

Mais si le pantalon finit par dépasser les conflits de classes et à gagner les plus hautes sphères de la société, il lui reste un second combat à mener : dépasser le système patriarcal et les inégalités hommes/femmes. 

Oui, le port du pantalon ne signifie pas pour autant la reconnaissance de l’égalité des sexes. 

L'historien, Denis Bruna, renvoie alors à "un décret qui a été promulgué par le préfet de police de Paris le 7 novembre 1800. Informé que beaucoup de femmes se travestissent et désirent porter des vêtements d'hommes, il promulgue un décret selon lequel si une femme veut porter un pantalon, il lui faut demander auprès de la préfecture de police "une permission de travestissement" avec une raison particulière, médicale ou professionnelle"

En effet, l'ordonnance de 1800 de la Préfecture de police de Paris interdit aux femmes de porter le vêtement dit "masculin". 

La femme qui porte le pantalon est considérée comme une travestie, elle ne devait pas porter la culotte car la femme "qui porte la culotte" (d'où cette célèbre expression pour le moins sexiste) porte atteinte à l’ordre patriarcal établi ! 

C'était comme prendre l'autorité des hommes…

Le pantalon était de loin le vêtement le plus emblématique de l'autorité masculine.

Du simple pantalon de lingerie (caché en dessous la robe) au pantalon féminin 

Le premier pantalon féminin était... un sous-vêtement

Si l'homme s’autorise à porter des pantalons depuis la nuit des temps, le spécialiste de l'histoire de la mode raconte que "les femmes ont d'abord commencé à porter des pantalons de lingerie sous les robes dans les années 1790-1800. C'était avant tout un dessous en partie visible puisqu'on le voyait sous les robes qui étaient longues"

En quelque sorte, le pantalon est porté par les femmes à partir du XIXe siècle mais il reste caché par la robe, apanage de la femme depuis la Renaissance

Avec les Merveilleuses, de l'époque du Directoire (1795-1799) et la mode dite "à la grecque" tant elles portent des robes extrêmement fines, elles enfilent par dessous une forme de pantalon très collant, de couleur chair, tel un legging mais non visible. Ce sont des pantalons semi-culottes qui donnent naissance aux premiers sous-vêtements féminins. 

Les Parisiennes sont connues pour avoir officialisé ce pantalon sous-vêtement comme une mode courante au cours du XIXe siècle avant de vouloir enfiler le pantalon (normal) !

Le pantalon est bien plus confortable 

Denis Bruna explique "qu'il y a eu beaucoup de femmes très célèbres qui ont été obligées de renouveler leur permis de travestissement pour pouvoir porter un pantalon"

Le pantalon leur permettait d'aller partout dans les cafés, les salons littéraires, les théâtres… 

La plupart des femmes devaient dire qu'elles faisaient un métier d'homme…

En effet, l'écrivaine George Sand ou la peintre Rosa Bonheur font partie des nombreuses femmes à contourner les interdits car, à Paris, les femmes sont autorisées à porter le pantalon dans certaines circonstances uniquement, médicales, par exemple, mais aussi dans le cadre de l'exercice d’un métier dit "masculin". 

Les femmes étaient toujours assignées au travail domestique

Les premières féministes revendiquent haut et fort le port du pantalon car il est beaucoup plus confortable et moins entravant - allez compter le nombre de couches qui se superposaient et privaient alors le corps féminin de sa mobilité… 

"Par conséquent, comme le souligne l'historien de la mode, il y a des métiers qui ne permettaient pas d'être exercés avec des vêtements et des robes particulièrement encombrantes"

D’autres femmes sont parvenues à passer outre quel qu'en soit le prix, ainsi la féministe américaine, Amelia Bloomer, qui invente le pantalon bouffant, the bloomer, ce pantalon ample qui contribue à un véritable changement des normes et représentations vestimentaires chez les Françaises. 

En France, Madeleine Pelletier, la première femme médecin, n'a pas peur de s’habiller en homme sans autorisation, et en juillet 1887, revendique ce droit auprès des députés.

Représentation de la défenseure des droits des femmes américaine Amelia Bloomer, 1851Représentation de la défenseure des droits des femmes américaine Amelia Bloomer, 1851 © AFP / ANN RONAN PICTURE LIBRARY PHOTO12

Le pantalon devient universel à partir des années soixante

L'historien explique que "le pantalon est un vêtement féminin à partir, essentiellement des années soixante, quand les femmes ont pu porter le pantalon dans la rue d'une façon assez simple, sans soulever les soupçons et les regards inquisiteurs"

En effet, c'est la pratique du sport qui contribue à l’évolution du costume féminin ; l’équitation, le cyclisme, la bicyclette, non sans de nombreuses dénonciations masculines car le pantalon peine à s’installer et ce n'est que durant les années soixante-dix qu'il deviendra cet habit universel aussi couramment porté par les hommes que par les femmes.

La comédienne Brigitte Bardot vêtue d'un pantalon à pois à Spolète, Italie, août 1961La comédienne Brigitte Bardot vêtue d'un pantalon à pois à Spolète, Italie, août 1961 © AFP / Farabola / Leemage

Légalement, les Parisiennes ne peuvent porter un pantalon que depuis 2013 ! 

Quant au règlement préfectoral de Paris qui interdisait aux femmes de porter des pantalons, Denis Bruna précise que "_celui-ci a été abrogé en janvier 2013_, ce qui n'a pas, bien sûr, empêché les femmes de porter des pantalons librement dans la rue depuis les années soixante. Mais il faut savoir que l'on a parfois oublié que les femmes avaient parfois un repris de justice dans leur placard : le pantalon".